– Compte-rendu du colloque des 29 et 30 avril 2009 –
Ces deux journées de colloque, organisées à l’occasion des 60 ans de Paris Match, étaient construites autour de quatre grands thèmes: “Historique du photojournalisme”; “Le cas de la presse française”; “La question des représentations”; “Le photojournalisme à l’étranger”.
De ces deux journées, on peut particulièrement retenir deux études de cas quant au traitement de l’information et de la place de la photographie dans cette construction.
Joëlle Beurrier, dans une présentation intitulée “Le Magazine, la guerre et la France – Exemple de l’année 1962 – Paris Match“, a souhaité revenir sur ce qu’elle nomme une “culture de guerre” du magazine. Elle postule, en effet, que ce qui construit un magazine n’est pas seulement la rencontre de l’événement, d’impératifs économiques et de plusieurs volontés humaines, mais qu’il est aussi possible d’envisager le périodique comme le reflet de mentalités traversées par une (ou des) culture(s) sous-jacentes. Elle s’appuie dans cette recherche sur ses précédentes conclusions à propos du traitement de la première guerre mondiale par l’hebdomadaire illustré Le Miroir. Par cette nouvelle étude de cas, elle cherche du côté des inconscients ou imaginaires collectifs par lesquels sont travaillés les hommes qui font l’information : ce qui fabriquerait un numéro à tonalité guerrière ne serait pas tant l’événement historique lui-même qu’une culture de guerre nationale.
La très remarquée présentation de Michaël Attali et Gilles Monteremal était, elle, consacrée au “traitement du sport dans Paris-Match : de la valorisation de l’exploit à la peopolisation du champion (1949-2009)”. Ces deux chercheurs ont présenté ce qui correspond à une première étape de leur travail : à savoir, l’étude des photographies de Unes de Paris Match lorsqu’elles sont consacrées au sport pour considérer le traitement de l’actualité sportive par le magazine. Sur la période 1949-2009, ils distinguent quatre grands moments :
- “une perception sportive décalée (1949-1958)”, période au cours de laquelle les couvertures de Paris Match reflètent assez faiblement le sport tel qu’il se développe effectivement, certains noms ou certains événements clé n’apparaissant jamais en couverture de Paris Match;
- “le champion, allégorie patriotique (1958-1969)”. Au moment où le Général de Gaulle est rappelé au pouvoir, le magazine mobilise la rhétorique patriotique (et tout particulièrement la rhétorique gaulliste) à l’occasion des compétitions sportives nationales et de Jeux Olympiques, et sous le mode “La France qui gagne”.
- “une vedette en devenir : du champion à la célébrité (1970-1980)”. Période de transition, certaines tendances (l’apparition de sportifs étrangers en couverture, par exemple) ne se confirmeront pas par la suite quand d’autres, au contraire, s’annoncent comme les prémices de ce que sera le traitement de l’actualité sportive dans les années 1980-2009 (la peoplisation des sportifs en particulier).
- “La disparition du champion : un nouvel acteur des grands de ce monde (1980-2009)”. Alors qu’apparaît dans le champ, la foule patriote, les sportifs étrangers disparaissent du cadre en un “recentrage” sur les sportifs français. Le plus souvent mis en scène en situation privée, voire glamour, c’est une figure du sportif non plus comme champion mais comme célébrité qui devient dominante. Le sportif s’efface au profit du spectacle.
Pour Michaël Attali et Gilles Monteremal, cette analyse (encore en cours) conduit à s’interroger sur la fonction même du magazine d’actualité.
Un ancien de Paris Match venu écouter les interventions réagit : une couverture de Match sur le sport, c’était 100 000 exemplaires perdus, le sport n’est pas vendeur!, dit-il de façon surprenante. Il rappelle en quelques assertions, quelques peu agacées, qu’un magazine doit d’abord procurer du plaisir. “Il n’y a pas de morale dans tout ça, ce qui nous intéresse est de vendre. Qu’est-ce qu’on a pu rire avec cette histoire de déontologie!”. Ses multiples et différentes interventions ont permis d’entendre les histoires que d’aucun ont appelé leurs “fabuleuses années Paris Match” (Nicolas de Rabaudy) ou leur “fabuleuse aventure de Paris Match” (Guillaume Hanoteau) et la tonalité de ce type de sources (les livres souvenirs des journalistes à Paris Match) qui oscillent entre témoignages et discours d’auto-légitimation. Cette posture rejoint, en effet, la figure – et mythologie – du journaliste-aventurier, légitimé par ses liens avec la grande Histoire (Résistance, guerre d’Indochine, guerre du Vietnam…) ou avec de grandes personnalités publiques.
Or, l’une des difficultés pour travailler les relations entre la presse et la photographie tient précisément à la question des sources. Pour travailler les grands magazines illustrés de cette deuxième moitié du XXème siècle, il n’est pas toujours possible d’accéder aux archives de ces magazines (livres de compte, compte-rendu d’Assemblée Générale, stocks de photographies disponibles, essais de maquettes…) et l’on manque souvent d’informations techniques quant à leur fonctionnement effectif. Restent ces témoignages et les numéros publiés, qui imposent de travailler principalement à partir d’observations sur ces publications. Ce qui a ses limites. Sans compter les problèmes d’accès à ces numéros, autrement dit les problèmes de conservations de la presse – en général sur microfilms ou dans des banques d’images numériques – qui posent de sérieuses questions quand on parle d’images.
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